Les allergies alimentaires progressent-elles réellement ?

26 Février 2023 Infos santé

De nos jours, beaucoup de personnes semblent être allergiques à toutes sortes d’aliments : lait, fruits de mer, noix, œufs… La tâche n'est pas simple pour les cuisiniers. Mais sommes-nous effectivement devenus plus sensibles à tous ces produits ? Et pourquoi ? Nous avons demandé au Dr Yvan Vandenplas, gastro-entérologue pédiatrique à l'AZ Sint-Maria, ce qu’il en pensait.

Comment définiriez-vous une allergie alimentaire ?

Le Dr Vandenplas : Une allergie est une réaction immunologique de l’organisme. Le système immunitaire considère un certain aliment comme un intrus et veut nous protéger en produisant des anticorps. Parfois, cela se produit quelques heures après que nous avons ingéré l'aliment. Nous parlons alors d’allergie alimentaire IgE-médiée (immunoglobuline E). La prévalence est plus élevée chez les enfants que chez les adultes. Des tests cutanés et sanguins peuvent confirmer la suspicion d’une telle allergie alimentaire. Il existe toutefois aussi des allergies qui ne se manifestent que 24 à 48 heures après la consommation. Nous parlons dans ce cas d’allergie non IgE-médiée. Malheureusement, aucun examen complémentaire ne permet de confirmer le diagnostic d’« allergie alimentaire » dans ce cas.

Une allergie non IgE-médiée ne peut donc pas être démontrée avec certitude ?

Le Dr Vandenplas : Elle ne peut être démontrée qu’après un test alimentaire en double aveugle, contrôlé par placebo. De nos jours, les gens pensent vite qu'ils ne tolèrent pas quelque chose. Lait, poisson, cacahuètes... Mais après un tel test en double aveugle, il apparaît souvent que ce n’est pas le cas. Chez les bébés, nous voyons clairement que le lait de vache, par exemple, est effectivement un allergène relativement fréquent. Dans le monde, la prévalence moyenne est de 1,9 à 4,9 %. Mais en ce qui concerne les allergies non IgE-médiées, nous nous trouvons effectivement un peu dans une zone grise. Cette perception erronée de plus en plus fréquente donne en outre l'impression que les allergies sont de plus en plus nombreuses.

Entendez-vous par-là que la prévalence des allergies n'augmente pas ?

Le Dr Vandenplas : Bien que des chiffres récents indiquent une augmentation des allergies alimentaires (jusqu’à 10 %), nous ne disposons pas encore de beaucoup d’arguments purement médicaux qui le confirment. Les médias accordent aujourd’hui beaucoup plus d'attention aux allergies qu’auparavant. De ce fait, les gens s'y intéressent davantage et croient vite qu'ils ne tolèrent pas l'un ou l'autre produit. Mais est-ce vraiment le cas… ? Prenez les crevettes, par exemple. Énormément de gens sont convaincus d'y être allergiques. Mais quand on regarde la quantité d'antibiotiques utilisés sur les crevettes, il faut oser se poser la question : l'allergie est-elle dirigée contre les crevettes ou contre les antibiotiques ? Le monde médical doit évidemment aussi oser balayer devant sa porte. Souvent, nous nous rangeons en partie à cette perception incorrecte. Ainsi, pas moins de 15 % des enfants de notre pays reçoivent une alimentation destinée à traiter l’allergie aux protéines de lait de vache. C'est beaucoup quand on sait que seuls 2 à 3 % des enfants sont allergiques au lait de vache... 

Quels sont les aliments qui provoquent le plus de réactions allergiques ?

Le Dr Vandenplas : En principe, vous pouvez faire une réaction allergique à tous les aliments. Mais comme tant de conservateurs, de colorants, d'exhausteurs de goût, etc. sont aujourd'hui ajoutés aux aliments, il est difficile de déterminer quels sont les allergènes les plus fréquents. Les facteurs environnementaux peuvent également jouer un rôle, mais nous sommes loin de tout savoir à ce sujet. Enfin, vous avez l'effet déclencheur. Si vous développez une allergie à une substance ou à un aliment en particulier dès le plus jeune âge, votre système immunitaire peut être suractivé et vous courez plus de risques de réagir aussi de manière allergique à d’autres choses. Le blanc d'œuf, les noix, les arachides, le lait, le poisson et les crustacés sont les plus fréquents. Mais beaucoup de gens réagissent également aux arômes, aux conservateurs et à d'autres composants des aliments, comme les sulfites dans le vin.

Le Dr Yvan Vandenplas, gastro-entérologue pédiatrique à l'AZ Sint-Maria.

Quels sont les symptômes les plus fréquents ?

Le Dr Vandenplas : Une allergie au lait de vache peut se manifester de plusieurs manières chez les jeunes enfants. On observe généralement des coliques, un sommeil agité, un eczéma, des vomissements et aussi bien de la diarrhée que de la constipation. Des infections respiratoires sont également possibles : rhinite, difficultés respiratoires, toux chronique… Les symptômes d’une allergie alimentaire touchent les intestins (douleurs abdominales, diarrhée, vomissements...), la peau (urticaire, eczéma...) et les voies respiratoires (asthme...).

Sommes-nous allergiques aux aliments? Ou plutôt aux conservateurs, aux colorants, aux exhausteurs de goût ?

Peut-on prévenir les allergies ?

Le Dr Vandenplas : Une bonne prévention commence à la naissance. L'intestin du nouveau-né est en effet encore stérile. La première colonisation bactérienne y induit le développement du système immunitaire. Il a été prouvé que l'allaitement favorise cette colonisation de manière optimale. Une bonne immunité pendant ces premiers mois de la vie assure également plus tard un système immunitaire sain et équilibré. Chez un enfant d’un an, vous ne pouvez plus influencer le développement de cette immunité. C’est pourquoi, dans notre hôpital, nous fournissons des informations très détaillées sur l’allaitement maternel et nous le recommandons vivement aux jeunes mamans. À partir de l'âge de 4 à 6 mois, nous conseillons également de commencer à bien varier l'alimentation. 

Quelques chiffres

  • Dans le monde, plus de 500 millions de personnes souffrent d'une allergie alimentaire.
  • Environ 40 % des enfants atteints d'eczéma sévère résistant au traitement cutané local présentent également une allergie alimentaire, dans environ 90 % des cas au lait de vache, aux œufs de poule, aux arachides ou aux noix
  • Chez la plupart des enfants, l’allergie au lait de vache disparaît vers l'âge d'un an.
  • Environ un tiers des enfants présentant une allergie alimentaire développent de l’asthme plus tard.
  • 4 à 8 % des enfants asthmatiques présentent également une allergie alimentaire.
  • Les patients asthmatiques et atteints d'une allergie alimentaire IgE-médiée sont exposés à un risque accru de réaction fatale.

Conseils de prévention

  • L’allaitement reste la meilleure arme contre les allergies.
  • Ne donnez pas d'aliment supplémentaire aux bébés avant l’âge de 4 mois.
  • Mangez le plus varié possible pendant l'allaitement.

 Le saviez-vous ?

  • De nombreux troubles respiratoires peuvent être dus à des allergènes alimentaires présents dans les arachides, les noix, les œufs de poule, le soja et les crustacés.
  • La prise d’antibiotiques pendant la grossesse ou les premières semaines de vie augmente le risque d’allergies.
     

Zennezorg 11

Vous souhaitez découvrir d’autres actualités médicales de l'AZ Sint-Maria Halle ? Lisez Zennezorg. Le thème du magazine de décembre 2022 est « manger et vivre sainement ».

Lire Zennezorg 11